En 2012, Pour la 14ème édition du festival MoisMulti, RectoVerso Production a commandé à Cod.Act une création originale pour l’Orchestre Symphonique de Québec.
Il en est résulté Pho:ton.
Dans le cadre classique de la salle de concert, le public est convié à une performance insolite: en guise de directeur d’orchestre, une pianiste; son jeu déclenche une série d’événements lumineux qui stimulent à leur tour l’exécution d’un son par un ou plusieurs instrumentistes. Une expérience sensorielle déroutante, où lumière et son se combinent dans une oeuvre d’une complexe simplicité.
expositions
2016
- Bifem, Bendigo International Festival of Exploratory Music, Bendigo (AUS)
2013
- Festival Mois Multi, création pour l’OSQ, Québec (CA)
description
Le concept
Dans la logique de nos recherches sur la relation entre mouvement et son, l’orchestre symphonique représentait pour nous un matériau particulièrement stimulant. Dans notre approche mécaniste, nous l’avons considéré comme une machine. Un ensemble de mécanismes (les musiciens), interconnectés par un programme (la partition) et mis en action par un opérateur (le directeur). Cette observation, quelque peu réductrice et peu flatteuse pour un orchestre, définissait pour nous une structure de base propice à la création d’une oeuvre orchestrale non seulement musicale mais également plastique et visuelle.
Depuis le début de l’industrialisation au XIXème siècle, la machine a toujours captivé l’intérêt des hommes. Tout particulièrement les machines dont les mécanismes sont simples et compréhensibles: la machine à vapeur, l’horloge ou les premiers automates, ont fasciné l’homme par l’immédiateté du processus de transformation de l’énergie en mouvement mécanique. L’homme aime comprendre. Il est sensible au concret, et surtout à la lisibilité des relations de causalité.
Nous avons donc cherché à rendre lisible les mécanismes, « les rouages », qui construisent l’oeuvre sonore. C’est ainsi que nous avons créé Pho:ton. Il s’agit d’une imposante machine sonore dont les musiciens sont de simples éléments mécaniques, et dont les courroies qui les relient entre eux sont remplacées par des faisceaux lumineux commandés par un opérateur. Seule l’odeur de l’huile manque.
Cette simplification radicale apporte beaucoup d’efficacité à l’expression musicale et offre à l’auditeur/spectateur une façon nouvelle de percevoir l’oeuvre orchestrale. Elle offre également au compositeur une nouvelle logique d’écriture musicale car l’entité de l’oeuvre est réduite à une seule partition.
pho:ton
La machine pho:ton est composée de quarante musiciens formant un ensemble de mécanismes sonores autonomes et distincts pilotés par un opérateur. Chaque musicien fonctionne de façon continue en produisant un son qui correspond à celui de sa propre mécanique et du moteur qui l’actionne. Un son sourd et pulsé qu’il produit en étouffant son instrument. Chaque fois que l’opérateur lui transmet un signal lumineux par l’intermédiaire d’un projecteur placé au-dessus de lui, le musicien fait alors résonner son instrument en jouant la note qu’il a préalablement mémorisée, en adaptant son intensité à l’intensité de la lumière. Comme il n’a pas de partition, le musicien agit alors comme un interrupteur.
L’opérateur est un pianiste. Son instrument est une console de commande dont les touches ne tapent pas de cordes mais enclenchent les différents projecteurs. Chaque touche est assignée à un faisceau lumineux qui concerne un musicien particulier. Comme un soliste, l’opérateur exécute une partition musicale qui diffère quelque peu d’une partition classique par le fait que les hauteurs de notes ne désignent plus des fréquences mais des timbres.
Pour permettre au spectateur de mieux saisir la relation entre le jeu du pianiste et celui des projecteurs, les musiciens sont disposés en damier sur un gradin. Par la simplicité du système et par le jeu des lumières, les notions de mouvement, de force et de transfert d?énergies appartenant à priori à la physique et à la mécanique, deviennent pour le spectateur des paramètres explicitement musicaux.
L’orchestre et la musique
Nous avons disposés les musiciens selon un compromis entre la logique traditionnelle de la répartition des timbres dans l’orchestre, et entre une disposition qui offre le meilleur potentiel aux mouvements de lumières. L’assignement des touches du piano aux musiciens de l’orchestre répond aux spécificités musicales de chaque partie de l’oeuvre. Celle-ci est divisée en trois parties. Pour chacune d’elles, chaque musicien mémorise préalablement une note particulière, tenue ou répétée, et un mode de jeu.
La composition musicale émerge d’une structure bruitée évolutive. Des textures spectrales se composent et se décomposent conjointement aux mouvements de la lumière. Elles éclatent dans les zones de lumière intense, se dévoilent subtilement dans les zones faiblement éclairées, et reprennent leur pulsation soufflée et bruitée dans l’obscurité.
La première partie joue sur la richesse extraordinaire des nuances de l’orchestre. Elle commence avec un duo de tuba et de caisse claire. De ce dialogue émerge une trame musicale cyclique, composée d’abord exclusivement d’unissons de cordes. Elle s’enrichit ensuite en accueillant progressivement les autres instruments de l’orchestre pour finalement s’épanouir dans des échanges de grandes textures sonores subtiles et transparentes. La deuxième partie, plus radicale, commence avec un mouvement musical à caractère mécanique. Celui-ci se développe conjointement aux déplacements de grandes surfaces lumineuses balayant littéralement l’orchestre, et s’élève ainsi jusqu’à d’énormes conglomérats de clusters. Des tutti violents et âpres jaillissent jusqu’au paroxysme de la force.
La troisième partie, à caractère plus mélodique, se développe autour de la superposition de staccati homophoniques dont la tonalité et la subdivision rythmique diffèrent d’un groupe instrumental à l’autre. La lumière active méthodiquement les divers groupes instrumentaux en créant des mouvements géométriques et symétriques. Il en résulte une forme musicale répétitive dont l’harmonie et le timbre sont en constante évolution et qui joue subtilement avec les notions de tension et de détente.
soutien
- Commande, Recto/Verso Production, Québec (CA)